1 000 milliards pour dix startups d'IA déficitaires : bulle spéculative ou "bonne bulle" ?

OpenAI (500 milliards $), xAI, Anthropic, Databricks… Dix startups d'IA non rentables ont vu leur valorisation combinée bondir de 1 000 milliards $ en un an. Sam Altman avertit d'un krach imminent, mais les investisseurs parlent de "bonne bulle". Entre euphorie et inquiétude, le secteur de l'IA est-il au bord de l'explosion?

IA

10/19/20254 min read

Le 7 octobre 2025, Intercontinental Exchange (ICE), la maison-mère du New York Stock Exchange, a annoncé un investissement stratégique de 2 milliards de dollars dans Polymarket, valorisant cette plateforme de marchés prédictifs basée sur la blockchain à environ 8 milliards de dollars. Ce mouvement spectaculaire marque un tournant pour Wall Street, qui embrasse officiellement les technologies décentralisées après des années de méfiance. Polymarket, autrefois sanctionnée par la CFTC en 2022 pour avoir opéré sans licence appropriée et bannie du marché américain, revient aujourd'hui en force avec l'un des plus puissants acteurs de la finance traditionnelle à ses côtés. Jeffrey Sprecher, PDG d'ICE, a déclaré que cet investissement lie "la Bourse de New York, fondée en 1792, avec une entreprise visionnaire pionnière du changement dans l'espace de la finance décentralisée". L'accord prévoit qu'ICE devienne distributeur mondial des données événementielles de Polymarket, intégrant ces insights prédictifs dans ses produits financiers destinés aux investisseurs institutionnels. Les deux entreprises prévoient également de collaborer sur des projets de tokenisation, ouvrant la voie à de futurs produits financiers entièrement "on-chain".​

Ce pari d'ICE sur Polymarket s'inscrit dans un mouvement bien plus vaste, porté par la SEC américaine et son président Paul Atkins, nommé par Donald Trump. Le 31 juillet 2025, la SEC a dévoilé "Project Crypto", une initiative ambitieuse visant à intégrer la blockchain dans les systèmes financiers américains et à établir le leadership des États-Unis sur les marchés décentralisés d'ici 2027. Concrètement, ce projet prévoit de permettre la tokenisation d'actifs financiers traditionnels, actions, obligations, ETF, et de les échanger sur des blockchains publiques ou privées. Le but est de proposer des règlements en temps réel (T+0 au lieu de T+2), de réduire les coûts et les risques de fraude, et d'automatiser la conformité réglementaire grâce aux smart contracts. Paul Atkins a souligné que "la plupart des actifs crypto ne sont pas des titres", une position radicalement différente de celle de son prédécesseur Gary Gensler, et qui ouvre la voie à un cadre réglementaire pro-innovation.​

Le Nasdaq, concurrent historique du NYSE, ne reste pas inactif. Le 8 septembre 2025, la grande bourse technologique a déposé auprès de la SEC une demande pour autoriser la négociation de titres tokenisés dès la fin 2026. La proposition prévoit que les investisseurs pourront choisir entre un règlement traditionnel ou tokenisé au moment de passer leur ordre, les deux versions étant traitées sur le même carnet d'ordres et régulées par la Depository Trust Company. Le Nasdaq assure que "la négociation de titres tokenisés sera soumise aux obligations réglementaires et à la surveillance de la SEC, garantissant que le trading soit transparent, équitable, ordonné et dans le meilleur intérêt des investisseurs". Cette initiative est rendue possible par le tournant pro-crypto de l'administration Trump et par le soutien actif du président de la SEC, qui a fait de la tokenisation une priorité stratégique.​

Ce virage blockchain des bourses américaines repose sur plusieurs promesses. D'abord, l'efficacité : les transactions blockchain permettent un règlement quasi instantané, réduisant drastiquement les délais et les coûts de transaction. Ensuite, la transparence et la traçabilité : chaque mouvement d'actif est inscrit de manière immuable sur la blockchain, limitant les risques de fraude et facilitant les audits. Enfin, l'accessibilité : la tokenisation pourrait démocratiser l'accès à des classes d'actifs auparavant réservées aux institutionnels, en fractionnant la propriété et en ouvrant de nouveaux marchés. Les partisans du projet voient aussi dans la blockchain un moyen de créer des "super-apps" financières, combinant trading, custody, staking et lending dans une seule plateforme réglementée.​

Mais cette révolution annoncée soulève aussi des défis et des critiques. Ondo Finance, acteur de la tokenisation, a récemment exhorté la SEC à retarder le plan du Nasdaq, pointant des lacunes en matière de transparence et de cadre technique. Les questions de sécurité, de choix des protocoles blockchain, de conformité réglementaire et de résilience face aux cyberattaques restent centrales. Par ailleurs, la majorité des flux financiers mondiaux demeure encore hors blockchain, et les infrastructures existantes, bien qu'anciennes, ont fait leurs preuves en termes de stabilité. Le passage "on-chain" nécessitera donc des investissements massifs, une coordination entre régulateurs, bourses et acteurs technologiques, et surtout une montée en compétences généralisée des acteurs financiers.​

L'investissement d'ICE dans Polymarket, couplé au "Project Crypto" de la SEC et aux initiatives du Nasdaq, dessine les contours d'une finance hybride, où blockchain et institutions traditionnelles convergent. Pour ICE, ce pari représente aussi une diversification stratégique vers les actifs numériques et les marchés prédictifs, un secteur en pleine explosion, comme le montre la concurrence avec Kalshi, récemment valorisé à 2 milliards de dollars et partenaire de Robinhood. Shayne Coplan, PDG de Polymarket, a déclaré que ce partenariat "marque le début d'une nouvelle ère de la tokenisation et de l'intégration des marchés prédictifs dans le courant financier dominant". Les volumes d'échange de Polymarket, qui ont dépassé 2 milliards de dollars par mois lors du cycle électoral 2024 et restent au-dessus d'un milliard même après l'élection, témoignent de l'intérêt croissant pour ces nouveaux instruments.​

Ce pari fou du NYSE sur la blockchain ne se résume donc pas à un simple investissement. C'est un signal fort : Wall Street anticipe un futur où la finance décentralisée, la tokenisation et les smart contracts seront au cœur des marchés financiers. Reste à savoir si cette vision deviendra réalité d'ici 2027, ou si les obstacles techniques, réglementaires et culturels ralentiront cette transformation. Mais une chose est sûre, le mouvement est lancé, et les géants de la finance traditionnelle misent gros sur la blockchain.